4 janvier 2023
Déclarations du MBDHP et du CISC sur les tueries de Nouna au Burkina Faso
Fait à Ouagadougou le 04 janvier 2023
Dans la nuit du 29 au 30 décembre 2022, le quartier-général (QG) de la confrérie des dozos de Nouna a subi une attaque terroriste. Selon les informations recueillies par le MBDHP, l’attaque n’a heureusement causé aucune perte en vie humaine mais a engendré des dégâts matériels.
A la suite de cette attaque, des personnes identifiées par des témoins comme étant des volontaires pour la défense de la patrie (VDP) de Nouna, ont mené nuitamment des opérations de représailles dans les secteurs 4 et 6 de la ville, majoritairement habités par des membres de la communauté peulh. Ces représailles ont duré plusieurs heures sans que les FDS et autres autorités locales n’interviennent pour protéger les personnes ciblées, abandonnées à leurs bourreaux. De sources officielles, ces opérations ont coûté la vie à vingt-huit (28) personnes, pour la plupart tuées par balles.
Le MBDHP condamne fermement l’attaque subie par le QG de la confrérie des Dozos, ainsi que les tueries ciblées qui s’en sont suivies. Il présente ses condoléances les plus attristées aux familles des victimes et souhaite un prompt rétablissement à tous les blessés de ces graves évènements. Une fois de plus, notre pays et son peuple sont endeuillés par des actes effroyables, dignes de films d’horreur et qui traduisent l’inhumanité de leurs commanditaires et auteurs.
Les premiers éléments recueillis suite aux tueries de Nouna indiquent que les suppliciés ont été froidement abattus chez eux parce que soupçonnés, sans éléments de preuve tangibles, d’être de mèche avec des groupes armés terroristes.
Ces tueries rappellent celles de Yirgou, Arbinda, Kain-Ouro, Barga, Nagaré, Natiembouri, Foutouri, Kelbo, Kantari, Nadiaboanli, Dablo, Gondékoubé, Zimtenga, Salmossi, Ouragou-Boungou, Hallalé, Nagraogo, Alamou, Koumbia, Ouahigouya, Loropéni et de bien d’autres localités et qui n’ont hélas connues aucune poursuite véritable.
En réalité, ces tueries aveugles et autres exécutions sommaires et extrajudiciaires ont contribué à plonger notre pays dans un cycle infernal de violences. Au fil des années, ces violences ont pris un caractère ethnique et ont davantage fragilisé le tissu social, plongeant le Burkina dans les affres d’une guerre civile dont les ravages sont perceptibles dans nombre de localités du pays.
Le MBDHP et bien d’autres organisations de droits humains n’ont eu de cesse d’interpeller les régimes politiques successifs de notre pays (MPP, MPSR-1, MPSR-2) sur le caractère contreproductif, inutile et dangereux des exécutions sommaires et extrajudiciaires ainsi que des disparitions forcées et autres arrestations et détentions arbitraires.
Malgré les incessants appels à la mesure, au bon sens et au discernement dans la lutte contre le terrorisme, les abus évoqués plus haut ont connu une hausse inquiétante depuis le mois d’octobre 2022. Plusieurs dizaines de cas d’enlèvements suivis d’exécutions ou de disparitions forcées ont été signalés au MBDHP et notifiés aux autorités politiques et judiciaires. Au cours de ces dernières années, plus d’une centaine de saisines et de plaintes de victimes et de leurs ayant-droits ont été déposées au pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme, au tribunal militaire de Ouagadougou et devant bon nombre de tribunaux de grande instance comme ceux de Banfora, Boromo, Dédougou, Gaoua, Ouahigouya, Fada-N’Gourma, Tenkodogo, Dori et bien d’autres.
Pour l’essentiel, les nombreuses plaintes et actions judiciaires introduites ne semblent pas avoir beaucoup évolué, renforçant ainsi le sentiment d’une garantie d’impunité tacite offerte aux commanditaires et exécutants de ces exactions et tueries.
Face à cette situation, le MBDHP interpelle les autorités sur leur obligation d’assurer la sécurité de tous les citoyens sans discriminations notamment basées sur l’origine ethnique ou l’appartenance à une confession religieuse.
Le Mouvement les appelle une fois de plus à agir pour mettre un terme aux exécutions sommaires et extrajudiciaires ainsi qu’aux disparitions forcées qui ont largement contribué à dégrader la situation sécuritaire dans notre pays.
Le Mouvement appelle également les autorités judiciaires à assumer pleinement leurs responsabilités pour la sauvegarde des libertés individuelles et collectives au Burkina Faso. Il les invite à agir avec courage pour donner une suite appropriée aux plaintes pour violations et atteintes aux droits humains signalées dans leurs ressorts respectifs.
Enfin, le MBDHP appelle ses militants et militantes à s’organiser aux côtés des autres couches sociales de notre pays afin de revendiquer le droit à la sécurité pour tous les Burkinabè, des villes comme des campagnes et pour dénoncer les exécutions sommaires, extrajudiciaires et les disparitions forcées qui constituent des facteurs d’aggravation de la situation sécuritaire dans notre pays. Notre Mouvement demeure convaincu que seule l’unité populaire autour du droit à la sécurité pourrait contribuer à venir à bout des forces du mal qui endeuillent quasi-quotidiennement nos populations des villes et campagnes.
Non au terrorisme !
Non aux exécutions sommaires, extrajudiciaires et aux disparitions forcées !
Ensemble, renforçons l’unité populaire contre le terrorisme !
Le Comité exécutif national
Ouagadougou le 02 janvier 2023
Le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) informe l’opinion publique nationale et internationale qu’il est régulièrement saisi ces derniers temps pour plusieurs cas de violations flagrantes de droits humains, d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements et de disparitions forcées, d’expropriation de biens de citoyens qui impliquent d’une part des terroristes, mais aussi d’autre part, des civils armés considérés comme des volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP).
L’avènement au pouvoir du MPSR II, a suscité un bel espoir chez bon nombre de citoyens qui voyaient enfin un nouvel élan patriotique dans la lutte contre l’insécurité au Burkina Faso. Le discours prononcé par le chef de l’Etat indiquait déjà cette nécessité de pouvoir réorienter toute la structure sociale du pays vers un seul objectif, celui de la reconquête du territoire national.
La reconquête du territoire national suppose le retour effectif de l’administration et des populations déplacées dans leurs localités. Elle connait ainsi ces derniers jours, un début de réalisation à Solenzo dans la province des Banwa, région de la Boucle du Mouhoun. Cette victoire d’étape symbolique est à saluer et surtout à mettre à l’actif des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) qui ont su mener avec professionnalisme cette opération de libération des populations qui étaient longtemps prises en otage.
Cependant, force est de constater qu’en dépit des efforts de nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS), la situation sécuritaire au Burkina Faso reste toujours difficile sur une bonne partie du territoire national. Les attaques terroristes continuent toujours d’endeuiller les populations civiles dans les régions avec pour conséquence des déplacements de populations. La récente attaque terroriste du 25 décembre 2022 sur l'axe Fada N'Gourma-Kantchari, dans la région de l’Est, pour ne citer que cela, a fait au moins dix (10) victimes civiles.
Il convient de relever qu’à ces attaques criminelles terroristes, vient s’ajouter un autre type de terrorisme qui se développe dans les régions et gagne progressivement du terrain. Il s’agit des civils armés se revendiquant être des volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) qui s’en donnent librement à des pillages organisés et à des exactions ciblées sur des populations civiles sur un fond de délit de faciès et de stigmatisation : c’est le cas survenu le 30 décembre 2022 dans la commune urbaine de Nouna, chef-lieu de la province de la Kossi.
En effet, suite à une attaque terroriste qu’aurait subie le Quartier Général (QG) des dozos VDP de Nouna dans la nuit du 29 au 30 décembre 2022, des dozos armés identifiés par les victimes comme étant des VDP ont conduit en guise de représailles, des actions meurtrières dans les secteurs N°4 et N°6 de la commune de Nouna qui sont des quartiers majoritairement habités par la communauté peule. Ils ont essentiellement ciblé les personnes ressources ou influentes et les bras valides de la communauté faisant de nombreuses pertes en vie humaine. A cette heure ; le bilan s’élève à 21 personnes tuées y compris des enfants, mais il ne cesse de s’alourdir au fur et à mesure des informations qui nous arrivent du terrain. Les même dozos VDP seraient revenu dans la nuit pillés les maisons et emportés des animaux.
Cette malheureuse situation mérite une attention particulière de la part des nouvelles autorités au risque de retomber dans les mêmes erreurs commises par les pouvoirs précédents. Les groupes armés terroristes surfent sur ces types de dérives au sein des populations pour pouvoir assurer leur recrutement.
Le mode opératoire nous rappelle le cas typique de Yirgou il y’a de cela quatre (04) ans. Cette pratique est devenue courante depuis un certain temps et sous un silence complice des autorités locales. De plus en plus, des cas d’exécutions extrajudiciaires sur un fond délit de faciès et de stigmatisation, de pillages sont signalés par les populations dans certaines régions. Nous pouvons citer les cas suivants :
Le 22 décembre 2022 à marmisga dans la commune de Gourcy, région du Nord des VDP ont enlevé et exécuté des hommes du village et le chef coutumier de la communauté peule qui est un vieux de plus de 70 ans. Tard dans la nuit, ces VDP sont revenus piller les biens des populations en emportant les animaux et tout objet de valeur ;
Dans la nuit du 18 décembre 2022, des supposés VDP ont enlevé et exécuté un père de famille et son fils (étudiant) au secteur N°1 de la commune de Kongoussi, région du Centre-Nord ;
Le 15 décembre 2022, des personnes identifiées comme étant des Dozos ont enlevé et tué cinq (05) personnes de la commune de Lorépeni, région du Sud-Ouest. Toujours dans la même région, le 20 décembre le chef de la communauté et les membres de sa famille ont eu la vie sauve grâce à l’intervention efficace des éléments de la police de Loropéni ;
Dans la commune de Dédougou, plus précisément à Douroula région de la Boucle de Mouhoun, une personne identifiée comme VDP du nom de Bako Issa de Douroula a élu domicile à Massala et s’en donne régulièrement à des actes de terreur dans les villages de Massala, Soukuy, Bana, Kirikongo.
Dans le cadre des actions en cours contre l’insécurité, il faudra impérativement rectifier le tir pour plus d’efficacité. Cette nouvelle approche commande dans sa mise en œuvre, une définition discernée de la méthode de lutte dans le strict respect des droits humains. Pour ce faire, un meilleur encadrement et une surveillance permanente des actions des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) sur le terrain s’imposent à tous les niveaux.
Par ce présent communiqué, le CISC condamne avec la dernière énergie toutes les attaques lâches et barbares des groupes armés terroristes qui ne cherchent qu’à semer les graines de la division au sein de nos communautés. Il prend aussi à témoin l’opinion nationale et internationale sur ces cas graves de violations des droits humains et interpelle les autorités sur leurs responsabilités qui les obligent à :
Prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la protection des personnes qui jouissent du droit au principe de la présomption d’innocence ;
Proscrire toute sorte de dérive des VDP dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ;
S’inscrire dans une démarche de renforcement permanente de la cohésion sociale.
Pour le Bureau Exécutif National;
Dr Daouda DIALLO
Lauréat du Prix Martin Ennals (Prix Nobel droits humains)
Chevalier de l’Ordre de l’Etalon
Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées de citoyens, pillages organisés sont des atteintes graves aux droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre l’insécurité.